« Ce n’est pas du bluff », a martelé, la mine grave, M. Poutine, accusant les pays occidentaux de vouloir « détruire » la Russie, d’avoir recours au « chantage nucléaire » contre elle et signifiant ainsi qu’il était prêt à utiliser l’arme nucléaire.
Face à des contre-offensives éclair des forces de Kiev qui ont fait reculer l’armée russe, M. Poutine a choisi de miser sur une escalade du conflit, avec une mesure qui ouvre la voie à l’afflux de militaires russes en Ukraine.
Après l’annonce mardi de l’organisation de « référendums » d’annexion dans quatre régions de l’est et du sud de l’Ukraine à partir de vendredi, la mesure prise par le président russe marque un tournant dans le conflit.
« J’estime nécessaire de soutenir la proposition (du ministère de la Défense) de mobilisation partielle des citoyens en réserve, ceux qui ont déjà servi (…) et qui ont une expérience pertinente », a déclaré M. Poutine dans une allocution télévisée enregistrée diffusée mercredi matin.
« Nous ne parlons que de mobilisation partielle », a insisté le président russe, alors que des rumeurs sur une mobilisation générale suscitaient l’inquiétude de nombreux Russes.
Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a précisé que 300.000 réservistes étaient concernés par cet ordre de mobilisation, soit à peine « 1,1% des ressources mobilisables ».
Cet ordre est effectif dès mercredi, a dit le président russe. Le décret correspondant a été publié peu après sur le site du Kremlin.
L’ambassadrice américaine à Kiev a estimé que cette mesure était un « signe de faiblesse » de la Russie, confrontée à une pénurie d’effectifs pour mener son offensive en Ukraine, qui entre cette semaine dans son huitième mois.
M. Poutine s’en est pris une fois encore à l’Occident avec virulence, l’accusant d’avoir « dépassé toutes les limites dans sa politique agressive » et de vouloir « affaiblir, diviser et, en fin de compte, détruire notre pays ».
« Un chantage nucléaire est aussi utilisé (…) J’aimerais rappeler à ceux qui font ce genre de déclarations que notre pays aussi possède divers moyens de destruction, dont certains sont plus modernes que ceux des pays de l’Otan », a déclaré le président russe.
« Nous utiliserons certainement tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple », a-t-il poursuivi. « Je dis bien tous les moyens (…) Ce n’est pas du bluff », a-t-il insisté.
Son ministre de la Défense, M. Choïgou, a lui affirmé que la Russie ne combattait « pas tant l’Ukraine que l’Occident ».
L’annonce de référendums dans les zones sous contrôle russe et l’annonce d’une mobilisation partielle marquent un tournant dans l’offensive russe en Ukraine, qui a débuté le 24 février.
D’autant que la doctrine militaire russe prévoit la possibilité de recourir à des frappes nucléaires si des territoires considérés comme russes par Moscou sont attaqués.
Nombre d’observateurs estiment que Moscou a sous-estimé les capacités de résistance des Ukrainiens, motivés et armés par les Occidentaux.
Le discours de M. Poutine intervient après que l’armée russe ont essuyé des revers face à des contre-offensives ukrainiennes dans les régions de Kherson (sud) et de Kharkiv (nord-est), où les forces de Moscou ont été contraintes de céder beaucoup de terrain.
M. Choïgou a déclaré mercredi que l’armée russe avait perdu 5.937 soldats depuis le début de l’offensive, un bilan officiel bien supérieur au précédent, mais très en deçà des estimations ukrainiennes et occidentales qui font état de dizaines de milliers de pertes.
« Pseudo-référendums » d’annexion
Sur le terrain, les combats et les bombardements se poursuivaient mercredi, les autorités ukrainiennes accusant la Russie d’avoir à nouveau bombardé le site de la centrale de Zaporijjia (sud de l’Ukraine), la plus grande d’Europe.
A la veille des annonces de M. Poutine, les autorités des zones séparatistes ou sous occupation en Ukraine avaient annoncé des « référendums » d’annexion par la Russie du 23 au 27 septembre.
Ces scrutins se dérouleront dans les régions Donetsk et de Lougansk, qui forment le Donbass (est), ainsi que dans les zones occupées de Kherson et de Zaporijjia, dans le sud.
Ces votes ont aussitôt été critiqués par l’Ukraine, son président Volodymyr Zelensky minimisant l’importance de ces « pseudo-référendums ».
Les Occidentaux les ont aussi critiqués, Berlin les qualifiant de « fictifs » et Washington de « simulacres » électoraux.
Ces votes, sur le modèle de celui qui a formalisé l’annexion de la péninsule de Crimée (sud) par la Russie en 2014, dénoncée par Kiev et les Occidentaux, font l’objet de préparatifs depuis plusieurs mois.
Le calendrier semble s’être accéléré avec la contre-offensive ukrainienne. Des responsables russes évoquaient jusqu’alors la date du 4 novembre, jour de l’unité nationale russe.